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Jean-Philippe et Nathalie se sont convertis à l’agriculture grâce à l’espace test développé par Boeren Bruxsel Paysan.  Depuis 2 ans, ils cultivent chacun 30 ares pour vérifier leur motivation et la rentabilité de leur nouveau métier.  « Je veux nourrir la ville et ma famille » me confie Jean-Philippe.  Comment concilier passion et soutenabilité économique ?
Après avoir placé le contexte à partir de leur expérience, je ferai des propositions pour y arriver.

Jean-Philippe était cuisinier, après 25 ans d’Horeca dans des excellentes cuisines bruxelloises, il connaît la qualité d’un bon produit.  Il a eu envie de changer de vie et de les produire lui-même.  Après une formation en maraîchage à la mission locale d’Ixelles, avec un associé ingénieur du son, ils se sont lancés grâce à Boeren Paysan Brussels.  Depuis son associé a quitté l’aventure. Jean-Philippe, par contre, reste heureux de son choix.  Il cultive avec motivation malgré la dureté du métier.

Nathalie était infirmière.  Pour des raisons de santé, elle a dû arrêter de travailler. Pendant cette période, une chose lui faisait du bien : gratter dans la terre du potager collectif près de chez elle.  Prenant goût à la culture, elle fait une stage d’un an à la ferme urbaine de Neerpeede puis une formation qualifiante au CRABE.

Pour tous les deux, l’agriculture est donc une conversion professionnelle, ce sont des NIMACulteurs, des nouveaux agriculteurs. La passion c’est essentiel mais ce n’est pas suffisant pour faire vivre économiquement leur famille respective.

Jean-Philippe a eu la chance de démarrer cette nouvelle vie professionnelle via une coopérative d’activités (CreaJob puis JobYourself).  Ceci lui a permis de maintenir son allocation de chômage pendant les 18 premiers mois de son lancement.  Nathalie, par contre, a dû plonger directement comme indépendante. Et malgré que Boere Bruxsel Paysan mettent à sa disposition de la terre et quelques outils de base gratuitement, la première année, elle n’a rien gagné du tout.

Presque tous les indépendants connaissent des débuts difficiles, mais l’installation est particulièrement coûteuse pour les agriculteurs.  En effet outre les investissements nécessaires (environ 70.000 euros de matériel pour 1 hectare), le champ prend environ 3 ans à produire à son rendement de croisière. La terre cela s’apprivoise. Et en vitesse de croisière, les revenus sont fort dépendants des aléas du climat.  Et 50% du temps de ces nouveaux agriculteurs est dédié à la logistique (livraison et conditionnement), l’administration et la communication.

Après 3 ans de travail, Nathalie gagne aujourd’hui du 7 euros/heure brut.  Un chiffre d’affaire de 25.000 euros avec 10.000 euros de frais, il reste 15.000 euros brut de revenu pour l’année, ce n’est pas gras. Et de surcroît cette rémunération n’est possible que grâce au complément de travail offert par des bénévoles et des stagiaires.

Quand on aime son métier, on partage sa passion. Partenariats avec école, accueil de personnes en perte de repères… Nathalie et Jean-Philippe offrent un espace de ressourcement et de contact avec la nature à de nombreux.ses Bruxellois.e.s.

Cette fonction sociale des agriculteurs, en Grande Bretagne, est reconnue et rémunérée. Le programme de « Care farming » permet aux fermes qui le souhaitent et qui répondent à un code de pratique de bénéficier d’une rémunération complémentaire pour l’accueil de personnes qui ont été orientées vers cette solution par un service social ou un médecin.

Des propositions pour soutenir les agriculteurs urbains

Voici quelques propositions pour soutenir les centaines d’agriculteurs et agricultrices qui nourrissent et nourriront les Bruxellois.e.s en fruits et légumes locaux (cfr ma vidéo sur le sujet)

Libérer du foncier à des prix abordable et faciliter les obtentions d’autorisations nécessaires

La question du foncier reste centrale.  Si des terrains existent encore aujourd’hui il est important de les préserver et les mettre à disposition des agriculteurs.

Evidement sensible, la question du forage de puits pour arroser les cultures nécessite plusieurs permis.  Pour cet acte administratif comme pour les autres, un soutien adapté et spécifique doit être prévue.

Valoriser les multiples facettes du métier d’agriculteur

Créer des partenariats entre les écoles et les agriculteurs avec rémunération de ces derniers.

Créer le statut de « care farming » et rémunérer les agriculteurs (qui le désirent et qui sont formés pour cela) pour l’accueil de personnes en décrochage de vie.

Créer un statut pour les agriculteurs urbains et une aide à l’installation

Les agriculteurs qui cultivent des surfaces de moins de 2 hectares ne peuvent prétendre aux subsides de la PAC.  En outre, ils ne sont repris dans aucune statistique de production.

  • Créer un statut spécifique pour les agriculteurs urbains sur surface de moins de 2ha.
  • Proposer un subside à l’installation de 50% de investissements et des prêts à taux zéro.
  • Prolonger, après 2021, la formule de zone test sous forme d’ « incubateur de paysan ».

Créer une plateforme « ceinture alimentaire bruxelloise »

Comme à Liège, la Région bruxelloise doit soutenir la fédération des acteurs de terrain pour qu’ils puissent se renforcer mutuellement, faciliter l’accès à la terre, faciliter la distribution des récoltes…

Rendre les produits locaux et issus de l’agriculture biologique plus abordable pour les consommateurs

Rendre la nourriture de qualité plus accessible par la mise en place d’une TVA dégressive et ramenée à 0% pour tout produit non transformé, certifié bio ou par un système de garantie participative.